En ce moment, au théâtre Mogador, c’est l’effervescence : chaque pièce de l’immeuble (foyers et salons compris) est investit par la préparation du chef d’œuvre d’Andrew Lloyd Webber : Le Fantôme de l’Opéra. Nous avons pu nous glisser dans les coulisses de ce show colossal qui s’annonce ambitieux mais aussi plein de défis et débutera le 13 octobre 2016. Laissez-nous partageons avec vous notre visite à la rencontre du nouveau maître des lieux.
Mise à jour : En raison de la survenue d’un incendie au théâtre Mogador, le spectacle est annulé jusqu’à nouvel ordre…
Dans la « vocalise room »
Guidé par les vocalises entendues au détour de chaque couloir, nous poussons la porte de la « vocalise room », aucune trace de l’homme au visage masqué mais on s’arrête quand même pour écouter Nicolas Engel, l’adaptateur du spectacle en français…
Nicolas Engel a eu son coup de foudre pour Le Fantôme de l’Opéra alors qu’il est encore un adolescent. C’est le fond et la forme du musical qui l’ont totalement transporté. A l’époque il ne se doute pas que, des années plus tard, il contactera le Fantôme en y « allant au culot » comme il dit. L’énigmatique personnage lui confie alors quelques textes originaux de son histoire à adapter en français en y apposant un numéro lui correspondant (afin d’être juger à l’aveugle) et c’est donc Lui qui sera sélectionné, ayant dorénavant pour mission de faire vivre le livret et les paroles en français sans en faire une traduction mot pour mot et sans changer la mise la scène. Et pourquoi pas une traduction, parce qu’il faut que ça sonne juste et qu’on ne perde pas en émotion, sans compter le fait qu’il faut jouer avec les différences entre les sonorités anglo-saxonnes et les sonorités latines qui sont très différentes avec leurs accents toniques plus nombreux et opposés. Alors, Nicolas Engel a eu des challenges, notamment avec les titres All I ask of you (qui devient en français Mon unique souhait et non « Tout ce que je te demande ») ou la chanson du cimetière Wishing you were somehow here again. Et si Le Fantôme de l’Opéra ou Le point de Non retour sont, parait-il, facile à adapter, d’autres demandent de multiples changements tant en sonorité qu’en message voulu. Le tout sans retoucher à la partition ni à la mise en scène. Vraiment ? Non ! Pour Mascarade, le texte « As de cœur » en anglais devient « Pile ou Face » dans la version française. Sauf qu’au niveau de la chorégraphie, le geste ne correspond plus et on n’est pas sensé modifier la chorégraphie de Gillian Lynne… mais cette dernière a finalement reconnu, une fois sur place et en écoutant cette version qu’elle allait revoir sa chorégraphie. Nous aurons ainsi une version de Mascarade inédite. Nicolas Engel s’est d’ailleurs posé plusieurs fois la question de le traduire tout simplement par « Mascarade » ou par « Nuit masquée » en passant par « Bal masqué » mais la référence à La Compagnie Créole a vite écarté cette dernière option. Il opte finalement pour « Nuit Masquée » avant de constater en répétitions que « Mascarade » est le terme qui fonctionne le mieux. Parfois, même Sierra Boggess, interprète du rôle de Christine, suggèrera des changements. A juste titre, car elle connaît le rôle depuis des années pour l’avoir incarné de l’Angleterre aux Etst Unis. Mais le temps passe et toujours pas de trace du fantôme, nous quittons la pièce et continuons notre épopée.
Au pied de la scène de l’Opéra Garnier
C’est toujours guidé par une force mystique que nous pénétrons dans la salle de spectacle qui n’a plus rien à voir avec la décharge qu’elle était la saison dernière. A défaut de nous aider dans notre chasse, Eric Loustau-Carrère nous interpelle pour nous parler de la transformation qu’est en train de subir la scène de Mogador.
Alors que la scène de Mogador se pare des moulures et sculptures de l’Opéra de Paris, Eric Loustau-Carrère, le producteur éxecutif (on donne pas cher de sa peau au vu du caractère jaloux et possessif du Fantôme à moins que le producteur se soit bien assuré de payer ses gages à ce personnage drapé d’une cape noire) nous explique comment un tel tour de magie est possible. Et on peut dire que ça n’est pas une mince affaire. Imaginez : construire un nouveau décor sur mesure. Un décor monumental d’Opéra, et sans qu’il y est une rupture entre salle et scène, en y ajoutant ça et là quelques accessoires récupérés d’autres productions du spectacle. Et assurez-vous d’y faire entrer un éléphant monumental, un escalier encore plus énorme, un lac souterrain, un cimetière sans oublier tous les effets spéciaux qui créent la magie chaque soir d’un public en immersion. La quantité de rideaux est incroyable, faisant passer les imposants décors de Le Bal des Vampires pour des jouets. Le défi a été de toute faire entrer en usant d’astuces comme de suspendre les décors dans les coulisses pour optimiser le stockage. Un autre élément et personnage à part entière : le lustre a été entièrement repensé utilisant les technologies modernes. Et ce monstre nous défie déjà de là haut. Chaque soir, 120 personnes seront nécessaires à faire vivre le spectacle. Tout ça ne nous indique pas où trouver le fantôme. Reprenons notre route !
Le Chef d’orchestre dans son numéro de charme
Poussés par l’envie du face à face avec l’homme au visage défiguré, nous sommes accueillis, dans le foyer Victoire, en musique par trois musiciens dirigés par Dominique Trottein.
Dominique Trottein, pour faire court, a été élève du conservatoire de Tourcoing et de Paris. Puis pianiste à L’opéra de Nantes. Il intègre ensuite les Chœurs de l’opéra de Nancy. Enchaîne en tant que Chef d’orchestre à l’Opéra de Reims, d’Avignon, de Marseille, de Metz, de Saint-Etienne et de Tours. Il devient également directeur musical de l’opéra de Dijon et a déjà conduit des comédies musicales comme par exemple Hello Dolly. C’est lui qui sera le Chef D’orchestre pour la version française du Fantôme de l’Opéra. 14 musciens seront présents pour accompagner en live les 35 chanteurs/euses. Et le chef d’orchestre est clair avec les musiciens dont c’est le premier jour, une comédie musicale s’appréhende comme un Opéra, ce n’est pas plus facile. Il explique que la partition est délicate, qu’il faut trouver les couleurs (surtout les couleurs françaises), le grain pour le lieu. Et si les musiciens sont les derniers à arriver sur les lieux, il n’y a rien d’étonnant, ils sont professionnels et savent lire une partition. Ils ont plus de temps qu’il n’en faut pour se parfaire puisque dans le classique, ils ont seulement 5 ou 6 répétitions contre presque 15 jours à Mogador. Bref, il peut bien nous jouer du violon, nous ce qu’on veut, c’est le fantôme, c’est reparti !
Dans le mélo des costumes
Nous voilà dans de beaux draps ! Qu’est-il donc arrivé aux 192 m² du Foyer Opéra. Il est envahit par des costumes en création et autres chapeaux et souliers. Une production de Don Juan Triumphant se préparerait-elle ?
C’est Corinne Page, chef costumière, qui nous en dit plus sur ce qui se trame ici… On s’active à démonter et remonter des costumes afin qu’ils soient ajustés aux interprètes… « Démonter et remonter un costume est plus rapide que de vouloir le retoucher. » Elle garde en tête qu’il faudra recommencer parce qu’avec le stress des premières, certains vous prendre quelques kilos et les perdre à nouveau une fois le stress passé. Et le fantôme requiert presque 280 costumes. Entendez par costume, une tenue composé par plusieurs éléments telles que chemise, jupons, chapeaux… Un costume, c’est environ 8 éléments ! Il faut les entretenir afin qu’ils aient une durée de vie d’au moins deux ans. Les adapter pour les changements rapides. Meg Giry a un changement complexe à faire en 14 secondes durant la représentation. Pas moins de 4 habillueses l’y aideront. Reste une question épineuse, si tous les costumes sont actuellement stockés dans cette salle, où vont-il être pendant le spectacle, ils doivent nécessairement être à proximité immédiate de la scène pour les « quick changes » tout juste abordés ? Nous n’auront pas la réponse à cette question qui angoisse les costumières. Mais avant de partir, elles nous donnent un code qui semble être un indice dans notre quête « 21 60 95″… Incompréhensible !
Rencontre avec celui qui fût jadis le mécène de cet étrange Opéra
Alors que nous passons devant le salon parisien, un homme à l’allure charismatique nous interpelle. De qui s’agit-il ? Et s’il était notre fantôme ?
Il s’appelle Gardar Thor Cortes. Le Fantôme, ce comédien islandais le connaît bien puisqu’il y a joué le rôle de Raoul dans le Fantôme de l’Opéra et il fût le Fantôme dans le sequel Love never dies. Dominique Trottein, le chef d’orchestre croisé plus tôt, décrit Gardar Thor Cortes ainsi : « Un artiste complet, un formidable chanteur, très animal sur scène. Il ne manquera pas de vous surprendre, de vous émouvoir et même de vous séduire. un fabuleux dosage entre l’intensité électrique qu’il dégage et une certaine candeur enfantine nécessaire au rôle. Deux couleurs qui composent le Fantôme de l’Opéra, notre fantôme. » Ce sera donc lui notre fantôme, qu’en dit le principal intéressé du fond de ses souterrains ? Le Fantôme laissera t-il Gardar prendre sa place ? Partons lui demander, encore faudrait-il qu’il se montre !
Roucoulades au Foyer Palace
Nous faisons une halte au Foyer Palace transformé en salle de répétitions
Sierra Boggess (Christine) et Bastien Jacquemart (Raoul) nous offre le passage Mon unique souhait après que nous ayons eu l’échange Notes entre les membres de l’Opéra. Puis c’est Mascarade qui se joue devant nous. Si l’intention du Fantôme est de continuer à nous divertir et nous détourner de notre but de le débusquer, c’est réussi. On reste jusqu’au bout. L’heure tourne et il est temps de quitter les lieux.
Retour dans l’auditorium
Un frisson me parcourt quand on termine le tour en ré-entrant dans la salle qui a pris un tout autre visage et c’est à cet instant que la mesure du fantôme retentit. Emotion encore rien que de l’écrire : le pouvoir de l’orgue… Et de la musique de la nuit… Il nous nargue de sa musique sans se montrer !
Toujours pas de trace de ce damné fantôme ! Ah oui, je sais ! La loge numéro 5… Oui mais je tiens trop à la vie pour en forcer l’entrée. Tant pis, je rebrousse chemin et attendrai octobre pour la rencontre.
Aurélien
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