Dom Juan (Critique)

Dom Juan

De : Molière

Mise en scène : Macha MAKEIEFF assistée de Lucile LACAZE

Lumières : Jean BELLORINI assisté de Olivier TISSEYRE

Son : Sébastien TROUVE assisté de Jérémie TISON

Décor et costumes : Macha MAKEIEFF assistée de Laura GARNIER et de Marine MARTIN

Maquillages, perruques : Cécile KRETSCHMAR

Mouvement : Guillaume SIARD

Toile peinte (clavecin) : Félix DESCHAMPS MAK

assistante à la scénographie : Nina COULAIS

 

Avec :

Joaquim FOSSI, Xavier GALLAIS, Khadija KOUYATE, Xaverine LEFEBVRE, Jeanne-Marie LEVYAnthony MOUDIR, Irina SOLANO, Pascal TERNISIEN et Vincent WINTERHALTER 

 

Jusqu’au 19 mai 2024

A l’Odéon – Théatre de l’Europe

 

C’est toujours avec un enthousiasme certain qu’on vient assister à Dom Juan pour chaque création proposée. La mise en scène de Macha MAKEIEFF ne déroge pas à la règle. Et on aurait eu bien tort de passer à côté.

Dans cette production, Macha MAKEIEFF nous propose en Xavier GALLAIS un Don Juan toujours manipulateur mais aussi tourmenté. Il manie la désinvolture, la nonchalance, la raillerie, la roublardise comme s’il se jouait de tout pour cacher un malaise plus profond. Derrière ce tourment, il use d’humour et de manières plus que de coutume dans un effet qui touche au puéril. Ses mouvements frôlent l’indécence et la perfection. Un trait qui n’est pas nous déplaire. De son côté, un pétillant Sganarelle, joué par l’inénarrable Vincent WINTERHALTER, est davantage dans la mesure mais surtout, il est respecté par les autres comme s’il était du même rang que son maître. Sa malice reste de mise dans un jeu qui frôle un jetsetter de notre époque et qu’il emprunte volontiers à son maître. La complicité entre les deux hommes s’en trouve exacerbée.

Grâce à ses deux approches des personnages principaux, le Dom Juan joué à l’Odéon pour la saison 2023/24 semble presque avoir été réécrit. Pourtant, le texte est bien respecté mais l’illusion est présente. Bien que connaissant toute l’histoire et toutes les tirades de Dom Juan, on en est tenu haleine jusqu’au final qui nous laisse pantois. Dom Juan renoue avec la tragi-comédie. Il est à la fois frais et respectueux des traditions.

Le décor et les costumes sont étudiés avec détails jusque dans les languettes des souliers. On est, avant même que le spectacle ne commence, en attente face à ce décor qui laissent deviner promesses et surprises. On ne sera pas déçu. L’omniprésence de la corneille n’est pas sans rappeler son association au thème de la destinée mais n’y aurait-il pas aussi un rapport avec l’auteur du même nom et à toutes les rumeurs tenaces qui courent sur les deux écrivains.
Le fait d’ajouter danse, chant lyrique et aussi clavecin joué à même la scène est une idée lumineuse. Enfin, on retrouve les créations sonores de Sébastien TROUVE dont l’efficacité n’est plus à prouver et qui apporte une atmosphère supplémentaire à l’œuvre.

On adore toujours mais encore davantage la scène 1 de l’acte II (L’échange entre Charlotte et Pierrot). Toujours truculente, elle l’est ici au centuple grâce au duo Xaverine LEFEBVRE/Joaquim FOSSI et à leurs talents de comédiens aux mimiques, aux expressions tout à fait hilarantes.

Chaque artiste rend hommage à la langue de Molière, à sa plume, aux justes mots de l’auteur dans une diction irréprochable et un jeu au cordeau.

Un classique qu’on a toujours plaisir à retrouver ! Un Dom Juan aussi fringant que machiavélique.

 


L’Histoire :

Héros subversif ou vil prédateur ? Don Juan est une figure de théâtre qui parcourt les époques sous différents visages. Mettre en scène la pièce aujourd’hui, c’est forcément prendre la mesure de ce qui s’est inversé, ces dernières années, quant aux personnages de séducteurs, longtemps objets de fascination voire de célébration dans notre culture… Macha Makeïeff fait jouer ces épaisseurs historiques. Elle déplace la pièce d’un XVIIe siècle où la question du pouvoir religieux est centrale, au siècle suivant, celui de Laclos et de Sade. Cela pour poser frontalement la question du libertinage érotique, à une triple échelle. Celle du XVIIIe siècle : son Don Juan sera obsédé par la transgression et la jouissance, mais aussi traqué par une société dont il veut saper les bases. Celle du (pas si lointain) XXe siècle, pour qui un tel héros, dans toute sa cruauté, peut cristalliser une fascination pour la “part maudite”. Celle enfin du XXIe siècle : le spectacle fera passer les femmes à l’offensive, pour dénoncer les mensonges, postures et manipulations du prédateur. Mais surtout, si Macha Makeïeff, avec tout son sens du comique, a choisi l’œuvre de Molière pour questionner le désir, la cruauté de la domination, le jeu mortel qu’est l’assujettissement, la jouissance jusqu’au Mal et le “mystère masculin”, c’est pour soumettre toutes ces nuances de noirceur aux éclats d’un rire désintégrateur.

 

 

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BILLETTERIE

Aurélien.

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