Iphigenie (Critique)

Iphigenie

De : Jean RACINE

Mise en scène : Clément SECLIN

Lumières et régie générale : Yoan WEINTRAUB

Costumes : La Fille de l’Eau

Bijoux : Carole MURANIA

Avec:
Clémentine AUSSOURD, Hélène BOUTIN, Sébastien GIACOMONI, GHL, Grégoire GOUGEON, Ophélie LEHMANN, Jean-Philippe RENAUD et Baudouin SAMA

au Théâtre de l’Epée de bois – Cartourcherie

Jusqu’au 26 janvier 2025

Il est toujours risqué de s’attaquer à RACINE. On en ressort souvent déçu par des comédiens qui se vautrent dans un récitatif soporifique. Alors qu’ici, enfin, on nous joue RACINE comme il se doit : avec le corps et l’âme, avec ce qu’il faut d’émotion pour nous transporter. Nul besoin, pour ce transport, de décor, la mise en scène prend le parti d’un espace très épuré où le lieu seul se suffit à créer une ambiance. De simples voilages pour figurer les tentes du campement, du sable pour la plage et c’est tout. Par ce choix, le texte s’en trouve encore davantage mis en valeur. Il est d’autant plus mis en valeur que les comédiens respectent particulièrement l’alexandrin par un parfait placement des liaisons, des césures, des silences, etc…

Si on a un coup de cœur particulier pour Clémentine AUSSOURD qui campe une Eriphile incroyable, chaque comédien est à sa place avec sa posture, son timbre adapté au rôle, ses éclats ! Ils ont tous dans leur jeu quelque chose d’obsédant qui touche presque à ce divin que leurs personnages adulent et défient pour leur propre existence. Le geste est précis et le texte si bien cité.

La mise en scène est brillante en utilisant des approches intéressantes telles qu’un Ulysse, témoin silencieux et néanmoins omniprésent, impassible et persuadé du funeste infanticide qu’il désire tant.

On regrette, cependant, que le quatrième mur soit brisé de façon si excentrique et anachronique pour justifier une sorte de note de bas de page quant à la famille maudite des Atrides. C’est d’autant plus regrettable que Racine ne respecte pas tout à fait la mythologie concernant cet épisode de la guerre de Troie. En dehors de cela, on assiste à une pièce de genres où tous les regards se posent sur les femmes et leurs forces face à leur malheur tandis que les hommes sont relégués au rôle d’exécutants en perdition.

La composition musicale ajoute de la superbe à l’œuvre, elle mélange les inspirations tout en gardant une dimension dramatique d’une grande intensité.

Pour renforcer encore la tragédie qui se dévoile, le choix des costumes est judicieux, la simplicité du noir mêlée à des coupes et accessoires de mode qui sortent de l’ordinaire fascinent d’autant plus qu’ils sont réhaussées de bijoux originaux spécialement créés pour la pièce.

Cette version d’Iphigénie réconciliera quiconque était fâché avec RACINE. Magistral !

L’histoire

« Iphigénie, c’est plusieurs horizons qui se chevauchent. Un drame familial, une légende et sa malédiction, un univers désolé et immobile, une quête d’identité.
Racine laisse au spectateur l’absence, le manque de modèle absolu et hégémonique. Par ce texte, il fabrique des situations ouvertes qui tendent rarement vers un espoir.

Toutefois, au milieu du désastre, se dresse un pouvoir : celui des femmes.
Clytemnestre, par sa révolte face aux oscillations de son époux et roi, puis par sa remise en question de l’existence même des dieux. Eriphile, dans sa quête féroce d’identité, de vérité et de justice.

Iphigénie, par sa profonde résignation et sa dignité face à son propre sacrifice.
Ces trois figures archétypales refusent de collaborer avec un système où le pouvoir engendre le mensonge, la trahison, la manipulation.

La résonance que ce texte peut avoir dans notre société est aussi à un tout autre endroit : travailler Iphigénie dans un monde saturé d’informations et d’images, qui oblige aux certitudes et à la radicalité, c’est rendre compte et célébrer l’incertitude, le flottement, la suspension dans le temps.

Ce qui m’intéresse chez Racine, et tout particulièrement dans cette pièce, c’est aussi la question de la croyance.
Il intériorise la foi : les personnages interrogent leur âme, leurs émotions propres, leurs sensations. Le regard est alors tourné vers l’humain et non vers le ciel et tous convoquent leur voix du dedans. » Clément SECLIN

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BILLETTERIE

Aurélien.

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