La haine (critique)

La Haine

Direction artistique : Mathieu KASSOVITZ
Mise en scène : Mathieu KASSOVITZ et Serge DENONCOURT
Adjoint à la mise en scène : Nicolas ARCHAMBAULT
Chorégraphies : Emilie CAPEL et Yaman OKUR
Direction musicale : Proof
Scénographie et concepton vidéo : Silent Partners Studio

Avec :

Alivor, Walid AFKIR, César ALPHONSE, Timothée ANDRIAMANTENAA, Sami BLOND, Samy BELKESSA, Charly BOUTHEMY, Karim FELOUKI,
Alexander FERRARIO, Lucie GOUDEAU, Camila HALIMA-FILALI,
Maelo HERMANDEZ, Douada KEITA, Lyam KONGASIOU, Tanguy KORKIKIAN, Abu NIANG, Océane ROSIER, Erwan TALLONEAU, Anabelle VILLECHENOUX, Youssef YAHYOUI

A La Seine Musicale jusqu’au 20 octobre 2024
Et en tournée française et belge du 8 novembre 2024 au 21 juin 2025
Prolongations à La Seine Musicale du 27 novembre 2024 au 5 janvier 2025

C’est davantage poussé par la curiosité que par l’enthousiasme qu’on s’est rendu sur La Haine – Live. En effet, avec l’appréhension d’un style musical méconnu, on ne s’attendait pas être aussi séduit. C’est finalement le style musical qui nous a le plus emballé dans le spectacle : les titres musicaux rap bénéficient d’une qualité d’écriture sidérante. Chaque morceau est une petite pépite qui fait qu’on aimerait tous ressortir avec le CD du spectacle entre les mains. Le style est bien éloigné d’autres comédies musicales telles que Hamilton ou plus récemment Molière, le spectacle musical. Ici, on est sur un hip hop pur et dur pas du tout « variétisé ». Ça vibe avec des basses qui tapent où il faut. Ce flow musical séduit sans mal le public à en voir ses réactions. Un public qui se retrouve rassemblé dans sa mixité et dans sa diversité. Tous les milieux sociaux et culturels s’accordent et se rassemblent forts du message porté par le spectacle. Chaque soir, c’est une standing ovation spontanée qui s’empare de l’assistance.

Pour amener un tel emportement, une telle fièvre, une telle ferveur, Mathieu KASSOVITCH a su s’entourer des meilleurs pour les titres musicaux et pour créer un réel grand spectacle. Il serait presque réducteur de parler de comédie musicale puisqu’il réinvente le genre, mieux encore, il le révolutionne ! Pour la mise en scène, il s’est associé à Serge DENONCOURT, habitué de la discipline mais aussi de Nicolas ARCHAMBAULT avec qui DENONCOURT avait déjà collaboré sur le spectacle musical Je vais t’aimer. Et de l’amour à la haine, il n’y a qu’un pas.

La scénographie bouscule aussi le genre avec une expérience multiple : c’est une pièce de théâtre, c’est un concert, c’est un film. Si l’ensemble matche au point d’en faire un moment qui plonge le spectateur en total immersion, on regrettera toutefois un écran, parfois, trop présent au détriment d’un peu plus de décor. La création lumière bénéficie, quant à elle, d’un grand soin pour s’accorder parfaitement aux images et à l’action.

Côté danse, on est encore sur un show démentiel. Danse urbaine, évidemment mais sublimement exploitée et mise en lumière à laquelle s’adjoignent des effets visuels épatants. C’est la danse des artistes de rue qui s’approprient un plateau conséquent. On pense, par exemple, à la scène de L’émeute sur fond du chant des partisans qui constitue un des nombreux moments forts du spectacle. 

Parmi d’autres moments, il y a les titres à la sonorité juste aussi bien dans l’écriture que dans l’interprétation de Walid AFKIR avec, entre autres, le tableau de la garde à vue et le titre La Haine d’un flic mais aussi du brillant Ast€rix porté sur les épaules de Charly BOUTHEMY et de danseurs qui rendent la scène hypnotique. Enfin, les derniers et par des moindres, le trio Saïd, Vinz et Hubert joués respectivement et respectueusement par Samy BELKESSA, Alexander FERRARIO et Alivor constituent une révélation. Nul doute que ces trois comédiens-chanteurs continueront à faire parler d’eux dans le métier tant leur jeu est brillant. Un talent qui atteint son paroxysme avec le son Vue d’ici mettant chacune de leur voix en valeur. Ils chantent et jouent avec autant de facilité les scènes dramatiques mais aussi les scènes d’humour.

Car d’humour, La Haine – Live n’en manque pas non plus, c’est parfaitement placé, parfaitement maîtrisé et cela permet de faire redescendre l’empathie que le public ressent sur les moments plus obscurs. On notera aussi un sujet qui, bien que remis dans son contexte socio-politique actuel, est toujours d’actualité. Le fond du message est aussi intelligent, beau et plein d’espoir que l’est la forme. Les scènes cultes et leurs punchlines ont été maintenues pour le plus grand plaisir des fans. Des ajouts qui ne font pas tâche dans le propos créent une valeur ajoutée. Pour exemple, l’ajout d’une petite amie, Leila incarné par Camila HALIMA-FILALI , donne lieu à un moment de grâce à la fin de l’acte un avec Le dilemme. Un numéro d’une beauté céleste !

A plusieurs reprises, on se surprend à apprécier un parti pris qui nous dérange habituellement : briser le quatrième mur. Là encore, c’est fait en total intelligence, on ne se sent pas pris en otage, au contraire, sur un DJ set anthologique ou des adresses faites à la volée parmi l’assistance.

Autour d’une saison de « musicals » faite de reprises ou de productions qui pensent qu’on peut sortir un nouveau show tous les ans sans être médiocre, La Haine – Live tire son épingle du jeu et il y a fort à parier qu’il marquera les esprits comme étant le spectacle musical de la saison tant on en ressort comme soufflé par une fin qui atteint son point d’impact, le cœur du public, en une onde de choc.

La Haine – Live possède une forme de frappe détonante et étonnante qui en fait un incontournable de la saison.

L’histoire

Le 31 mai 1995, Mathieu Kassovitz mettait à l’écran et pour la première fois les banlieues. Un film porté par 3 acteurs (Vinz, Said et Hubert) encore inconnus au bataillon.

L’histoire de ces 3 jeunes confrontés aux difficultés économiques, sociales et politiques, à la condition des femmes et qui en parallèle avec ses codes, est une ode à l’amour, à la solidarité et à l’amitié.
Un projet ancré dans l’actualité, donc, et dont la forme innovante entend plonger le spectateur dans une “ride” à travers Paris et sa banlieue grâce à un dispositif unique faisant dialoguer la scène et l’écran : 15 tableaux inspirés du film, repensés par Mathieu Kassovitz, seront diffusés sur un système de projections, couplés avec les décors et surtout avec la performance des comédiens sur scène.

Ce show mêlant donc danse, cinéma, rap, théâtre et spectacle vivant dans une forme augmentée, résolument moderne et singulière, portée par une BO originale qui fait elle aussi le lien entre les années 90 et aujourd’hui.

SITE OFFICIEL

BILLETTERIE

Aurélien.

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