Le Dragon (Critique)

Le Dragon

De Evgueni SCHWARTZ

Adaptation en français : Benno BESSON

Mise en scène : Thomas JOLLY

Collaboration artistique : Katja KRUGER

Scénographie : Bruno DE LAVENERE

Lumières : Antoine TRAVERT

Musique originale et création son : Clément MIRGUET

Costumes : Sylvette DEQUEST

Accessoires : Marc BAROTTE et Marion PELLARINI

Consultante langue russe : Anna IVANTCHIK

Maquillage : Catherine NICOLAS en collaboration avec Elodie MANSUY

 

Avec :

Damien AVICE, Bruno BAYEUX, Moustafa BENAIBOUT, Clémence BOISSE, Gilles CHABRIER, Pierre DELMOTTE, Hiba EL AFLAHI ou Emeline FREMONT, Damien GABRIAC, Katja KRUGER,
Pier LAMANDE
ou Thomas GERMAINE, Damien MARQUET, Théo SALEMKOUR, Clémence SOLIGNAC et Ophélie TRICHARD

 

Jusqu’au 26 mars 2023

Au Théâtre Amandiers Nanterre

et en tournée nationale

 

Comme de nombreuses fables, Le Dragon ne s’adresse pas vraiment aux enfants mais à un public adulte. Les plus jeunes pourraient, d’ailleurs, être impressionnés par cette version. Les plus âgés ne manqueront pas, eux aussi, de l’être : impressionnés ! On est bien face à une création scénique des plus fantastique.

Il faut dire que c’est Thomas JOLLY qui est aux manettes. Ce gars-là aurait-il trouver le gant de Midas, puisqu’on parle de mythes, pour transformer tout ce qu’il touche en or ? Il réussit dans chaque œuvre quelque soit son genre à laquelle il s’attaque ! Une profusion des genres qui lui va si bien. Avec son équipe artistique, il parvient à nous faire ressentir la présence dominante et oppressante de la créature monstrueuse sous sa forme mythologique. Entre chaque éclat de rire, on est le qui-vive, persuadéS que la bête va surgir des hauteurs de l’auditorium. Plus réussi et innatendu qu’un recours à une marionnette. La création sonore nous surprend, nous effraie, nous transporte dès l’ouverture du show. Pour jouer des tours à vos sens s’ensuivront un large échantillon d’effets, de jeux, d’humour et de réflexions pendant deux heures trente. Oui, Thomas JOLLY et la synthèse n’ont jamais fait bon ménage. Et pourquoi faire d’une œuvre originale courte un spectacle court ? Le souci du détail, de ne pas oublier les accents, la ponctuation pour amener le spectateur à oublier la réalité justifie une durée dont on ne saurait se plaindre. Plus c’est long, plus c’est bon ! C’est cette volonté d’explorer pleinement une œuvre, de la réinventer presque, qui donne du sens, renforce les causes à effets de façon ludique.

La scénographie est, pléonasme ou non, pleinement spectaculaire. On retrouve la patte JOLLY à vouloir saupoudrer une scène de noir, à jouer sur l’ombre et la lumière. On retrouve ce qui semble être désormais les marqueurs d’une mise en scène de Thomas JOLLY : des confettis, de l’or, de la fureur, de la précision jusque dans les volutes de fumée…

De nombreuses références tant cinématographiques, qu’historiques sont à noter avec une création visuelle qui évoque en particulier Tim BURTON et ses noces funèbres. Ainsi, la pièce Le dragon est aussi étrange qu’orgasmique. Aussi inquiétante que jubilatoire. On reste scotché !

De l’humour macabre avec une pointe de féérie sur une sujet qui colle à l’actualité politique. N’oublions pas que c’est le propre des fables que d’être une satire sociétale : danger des croyances versus pouvoir de l’érudition, peur de l’étranger, asservissement…

Niveau interprétation, chaque comédien est proche du surjeu sans jamais s’y perdre totalement. C’est justement dosé. Toute rage est contenue mais perceptible. Souvent, le texte prend des airs de poésie dans sa façon d’être offert. On adore le chat, incarné par un homme, criant de réalisme !

Le Dragon va vous sidérer ! Vous serez soufflé en une déflagration !

 


Crédit Photo : Nicolas JOUBARD


L’histoire

Evgueni Schwartz, auteur, dramaturge russe, écrit Le Dragon en 1943, pièce aussitôt interdite par Staline dès sa première représentation en 1944. C’est un conte fantastique où la noirceur le dispute à l’ironie mordante, un drame d’où surgissent des créatures médiévales dans une ville sans nom, quelque part aux confins d’un pays imaginaire. On connaît peu ou mal Evgueni Schwartz, même si Antoine Vitez, Pierre Debauche ou Christophe Rauck avaient monté Le Dragon. La puissance de cette pièce réside dans la dialectique qu’elle déploie. Ce Dragon, incarnation du totalitarisme, la plupart des habitants s’en accommodent. La monstruosité n’est pas le fait d’un seul mais bien de toute une société. Aussi spectaculaire soit-elle, la monstruosité est répartie, diffusée dans un corps social, une société entière. Et quel danger représente une société entière qui « sort de l’humanité » ? Ce que sous-entend Evgueni Schwartz, c’est que le peuple peut avoir son destin entre ses mains. Pour Thomas Jolly, “cette figure du monstre, qui hante de nombreuses pièces de théâtre, me fascine car elle interroge profondément : quand sort-on de l’humanité ? Quand cesse-t-on d’être humain ?”

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Aurélien.

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