L’enfant Brûlé
D’après le roman de : Stig DAGERMAN
Adaptation : Noëmie KSICOVA
Mise en scène : Noëmie KSICOVA assistée d’Antoine HIREL
Scénographie : Anouk DELL’AIERA
Lumières : Nathalie PERRIER
Composition musicale et création sonore : Bruno MAMAN
Son et collaboration à la création sonore : Mélissa JOUVIN
Costumes : Caroline TAVERNIER
Dramaturgie : Aurélien PATOUILLARD
Traduction : Élisabeth BACKLUND
Dressage, accompagnatrice du chien : Victorine REINEWALD
Collaborateurs : Jean-Philippe BOCQUET, Marine MUSSILLON, Carole WILLEMOT
Avec :
Lumîr BRABANT, Vincent DISSEZ, Théo OLIVEIRA MACHADO, Cécile PERICONE et le chien Mésa
Jusqu’au 17 mars 2024
A l’Odéon – Théatre de l’Europe
Dans ce texte d’une intéressante complexité, notre esprit se met à chavirer sans retenue. Ici, l’enfant est indécent et indécis, l’amante et la mante se confondent. Les rôles se confrontent et s’inversent. On n’est jamais dans le noir ou le blanc, on est toujours dans la nuance, dans un combat perpétuel qui passe outre le proscenium pour nous submerger. C’est en cela qu’on devient empathique malgré certains excès des personnages avant tout humains. On est touché par les crédibles « Je t’aime » dit sans sincérité, par certains mouvements d’une maladresse précise, par le fait d’être toujours tenu par l’angoisse d’une tension, par les répliques au sens certain, par cette atmosphère criante de simplicité ou par l’opposition de l’épuré et du dense.
La performance de Théo OLIVEIRA MACHADO en sauvageon mi-ange mi-démon est d’une rare intensité. Il joue avec le poids du texte dans une palette d’émotions jouée avec une dextérité désarmante. Sa beauté y presque gênante, révoltante, désabusée à l’instar de l’histoire. Il a en lui une précieuse aura.
Si la qualité du jeu verbale est indéniable, le jeu l’est tout autant dans la kinésie. Une main, un mollet… Dans cette mise en scène, on se surprendra même à avoir les larmes qui montent aux yeux sans raison apparente mais juste pour la beauté du geste présenté par les artistes. Si on regrette une chose concernant cette distribution et qui vaut aussi pour la metteuse en scène, c’est de ne pas les avoir découvert avant. Chaque émotion est intellectualisée et « intellectualisante ». Les comédiens ont aussi la capacité de nous contrôler en orientant notre attention sur un point de détail qui n’est jamais dénué d’intérêt.
La scénographie nous impressionne tout autant que la qualité de jeu des comédiens ! Même la lumière aussi discrète soit-elle,tient son rôle en restant en phase avec les acteurs, la dramaturgie, le moment, l’ambiance. On se sent comme dans un film où la frontière de la toile a disparu.
Les silences et les bruits se succèdent pour renforcer encore au poids du drame. On a, pour habitude d’avoir en horreur les comédiens microtés. Ici, les instants où c’est le cas ne dérangent aucunement puisqu’il servent au contraire à appuyer les phrases à leur donner une enveloppe plus prenante.
Les idées se culbutent, les émotions se percutent. Avec une réflexion et des sentiments qui continuent des heures durant après la fin de la représentation, L’enfant brûlé vous marquera au fer rouge.
Crédit Photo : Jean-Louis FERNANDEZ
L’Histoire :
Le théâtre de Noëmie Ksicova avance avec pudeur sur le territoire du souvenir, de la perte et de la trace, afin de faire de la scène “un espace de consolation et de réparation”. Pour son troisième spectacle, la jeune metteuse en scène adapte un roman de Stig Dagerman, L’Enfant brûlé. À la mort de sa mère, son fils de vingt ans, Bengt, transforme sa souffrance en violence et la retourne contre le monde, avec une mauvaise foi et une fébrilité toute adolescente. Dans des lettres qu’il s’adresse à lui-même, il s’épanche sur ses fantasmes de pureté. Dans la vie quotidienne, il s’engage dans une lutte entre amour et haine avec son père, et matérialise peu à peu ses pulsions incestueuses. Sans jugement ni complaisance, mais avec une grande tendresse, Noëmie Ksicova se tient en équilibre sur la ligne de crête d’une déchirure – d’une brûlure – insondable. Elliptique, son théâtre suggère plus qu’il ne montre. Le père, le fils, sa petite amie et un quatrième personnage qui les rejoindra plus tard, se tournent autour dans un touchant ballet des corps. Sous l’ombre portée d’une parole ordinaire, banale, ils évoluent de l’appartement familial à une petite maison sur une île comme au seuil d’une porte, tout en cris et chuchotements. Imprégné des films de Bergman, ce théâtre orchestre le poids de l’absence dans le creux de non-dits et de gestes chorégraphiés avec une précision musicale. Et convie, par la scène et par le son, les morts à côté des vivants.
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Aurélien.