MAMAN
De : Samuel BENCHETRIT
Mise en Scène : Samuel BENCHETRIT assisté de Karine ASSATHIANY
Décors : Emmanuelle ROY
Lumières : Laurent BEAL
Costumes : Charlotte BETAILLOLE
Avec :
Samuel BENCHETRIT, Vanessa PARADIS, Gabor RASSOV et Simon THOMAS,
Reprise à partir du 21 avril 2023
La pièce commence par un jeu de longs « presque-silences », de non-dits ou seule l’allure a de l’importance… Allure des artistes sur scène, allure de l’impressionnant décor, tout se confond pour donner un sentiment de réalisme étonnant. Rien n’est en trop, rien n’est trop peu.
Le texte est d’une beauté simple et subtile au même titre que les comédiens. L’ensemble est délicieusement romanesque. On est gentiment transbahuté dans notre émotivité passant des moments à rire et d’autres à s’attendrir. La musique faite de violons appuyés participent à notre retournement affectif.
Parfois la scénographie, toutE aussi réussie que le reste, nous renvoit à Jacques DEMY et son film Les parapluies de Cherbourg. La lumière joue son rôle, changeant parfois de façon à peine perceptible pour renforcer un évènement.
L’histoire semble aborder la lassitude, les banalités de la vie, le temps qui passe sur les gens. On découvrira au fur et à mesure du spectacle qu’il cache bien davantage au gré de tirades bien plus profondes qu’elles ne paraissent, bien plus qu’un amour figé dans le temps. On a ainsi plusieurs moments de grâce qu’ils soient écrits ou joués. Vanessa PARADIS, pour son premier rôle sur une scène, montre qu’elle n’est pas seulement un bonne actrice de cinéma. Elle est aussi excellente au théâtre, portée par des partenaires de jeu tout aussi brillants.
C’est drôle et réfléchi, loin de certaines comédies de boulevard. Pas d’amant dans le placard ici ! Les situations sont, certes, grandiloquantes mais c’est quelque chose de plus sérieux qui se cache dans le placard. Comme si le fard couvrait les coups.
Maman est une surprenante comédie dramatique qui vous donne rendez-vous avec la providence. A ne pas manquer !
L’histoire
Une ville, la nuit. Une femme attend son taxi, emmitouflée dans un manteau de fourrure. Un jeune homme passe devant elle une première fois. La dépasse. Revient vers elle, lentement. Et lui pose une question qui va changer leurs vies à tous les deux.
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Crédit photo : Claude GASSIAN
Aurélien.
Comments
Un pur scandale.
Comment en 2021 peut-on encore écrire de telles choses ?
La pièce commence, non, est intégralement basée sur une blague discriminant les travailleurs et travailleuses du sexe, encore une fois et gratuitement. Oh Vanessa Paradis porte un manteau de fourrure par dessus une jupe un soir d’hiver ? Elle est donc prise pour une pute ! Hilarité générale instantanément déclenchée dans la salle. Personne n’a honte ? Personne ne va donc jamais se remettre en question ? Demandez-vous peut-être ce qui vous fait glousser là-dedans.
La pièce est une succession de blagues tristes plates faites et refaites. D’un autre temps. Et pourtant on est bien là, en septembre 2021 au théâtre Édouard VII à voir évoluer sur scène Vanessa Paradis, Éric Elmosnino et Félix Moati, pour la modique somme de 25 à… 98€ la place, non on ne rêve pas !
Je ne m’attendais certes pas à grand chose en me laissant traîner voir cette pièce, mais jamais je ne me serais attendue à tant d’aberrations les unes à la suite des autres. Les dialogues sont creux, plats. Le rythme est lent, pourtant la pièce est courte (heureusement). Quelqu’un a-t-il relu le texte de Samuel Benchetrit avant de l’envoyer jouer sur les planches ? Ben non voyons à quoi bon, avec une com et un casting comme ça tout le monde s’y déplacera ! Pas besoin de proposer quelque chose de qualité. Le sujet même de la pièce est vu et revu, rien n’est traité en profondeur, tout est survolé, mal abordé, caricaturé. C’est donc juste ça un personnage de femme ? Une pute ou une mère ? Elle n’est donc bien là que pour satisfaire le regard de l’homme. Des hommes. Quelle est cette vision arriérée selon laquelle toute femme désire absolument être mère ? Peut-être a-t-on dépassé ce discours à l’heure actuelle, peut-être faudrait-il traiter des sujets un peu plus contemporains, ou au moins avec des regards différents ? Voici une vision du couple, de l’amour, de la vie, bien triste et surtout bien catégorique. Une femme n’ayant pas pu être mère (ou pas voulu !) a donc raté sa vie, son but ultime ? Pas de possibilité de s’épanouir autrement alors ? Oh mon dieu que faire de tout cet amour qu’elle n’a pas pu donner ? Quel regard pathétique et arriéré. Et le mari dans tout ça ? Un Éric Elmosnino lubrique, gênant, banal. On ne rit pas tellement c’est dérangeant. Blague putophobe sur blague putophobe, c’est bon on a compris « il a traité ta femme de pute » ! On a compris que ta femme t’appartient, elle est triste et tu n’y vois rien mais bon toi tu t’en fous après tout tu lis ton journal en attendant que la bouffe soit prête… Là encore quelle vision moderne du monde ! C’est excitant d’écrire ça en tant qu’homme metteur en scène ? (Pour sa femme qui plus est…) Elle, rien d’autre ne l’anime que ce désir d’enfant reporté sur le premier venu qui la prend pour une pute (rires gras dans la salle). Félix Moati mou et insipide qui balaye la scène de gauche à droite de droite à gauche en traînant des pieds. Lui-même ne sait même pas s’il veut une mère, des parents. Mais elle a jeté son dévolu sur lui, eh oui le bien connu amalgame mère/pute car nous ne sommes rien d’autre en tant que femme après tout ! Rien ne résiste au désir et à l’instinct maternel viscéral ! Pourtant ce pauvre Félix ne manifeste aucune attirance pour la vie de famille, si ce n’est ses apports matériels : il y a la télé dans ma chambre ? Il y a une baignoire dans la salle de bain ? Sérieusement, c’est ça le grand bonheur de chérir ses enfants, les transformer en purs produits de consommation tant qu’ils disent où ils vont le soir et qu’ils rentrent manger de temps en temps ?
Tant de poncifs, de phrases toutes faites, rien ne sort du lot qui pourrait sauver de la honte ces pauvres pourtant bons acteurs. Un frisson me parcourt le dos lorsqu’il y a un échange entre Vanessa Paradis et Félix Moati à base de « mais c’est quoi le passé ? C’est rien, non ce qui compte c’est l’avenir. Et le présent dans tout ça ? » tous les deux arborant un air contrit se voulant alors à l’apogée du drame. La tentative de créer de l’émotion est encore plus ratée que celle de faire rire (ce n’était pourtant pas difficile !).
À l’heure où la parole sur le viol et les violences conjugales se libère, on choisit ici de nous raconter un viol ultra violent, caricatural : la femme seule et enceinte un soir attaquée gratuitement par deux armoires à glaces sans aucun but… Le viol « parfait » qui n’est absolument pas la représentation la plus fréquente d’une réalité qui touche pourtant une femme sur 7. Pourquoi choisir de nous montrer une situation aussi extrême ? N’est-ce pas une manière de dire aux personnes qui témoignent « regardez, elle elle a vraiment été violée ! » ? Au passage ce moment extrêmement gênant se voulant fort dans la pièce ne suscite pour autant aucun chagrin aucune colère aucune réaction des protagonistes… Ah, regard masculin ! Pourquoi ne te décentres-tu pas pour laisser raconter celles et ceux qui savent de quoi iels parlent ?
Trop de choses à relever et pourtant le caractère mauvais de la pièce réside aussi dans les détails, qui en disent long sur l’image que l’on veut donner ou faire perdurer dans cette société. Chacun.e a sa place, chacun.e son rôle. Une petite scène cocasse vouée à faire éclater de rire le public (spoiler : ça marche) entre Éric Elmosnino et un passant promenant son faux chien pour échapper à la routine mortelle de son mariage et de ses nombreux enfants (oui scène frôlant le fantastique, il promène un chien invisible en se targant de laisser sa femme s’occuper seule des gosses… super). En voyant Vanessa et son nouveau fils se prendre dans les bras, les deux hommes se jettent un coup d’œil – petit temps de latence – et s’enlacent : rires. Donc deux hommes qui se prennent dans les bras est une situation extrêmement hilarante aujourd’hui encore ? Et… pourquoi ?
Les gens diront qu’on ne peut plus rire de rien, donc ? Et pourtant si, on peut rire de beaucoup de choses en 2021, en 2022 et les années à venir ! Peut-être faudrait-il savoir écouter celles et ceux à qui on ne donne pas la parole mais qui ont des choses à dire, peut-être faudrait-il encore pouvoir (avoir envie de) se décentrer de ses petits privilèges de stars du cinéma et du théâtre, d’homme connu et reconnu qui n’essuie presque aucune critique négative pour avoir osé présenter cet outrage à 100 balles par tête sur les planches. Peut-être faudrait-il arrêter de chercher le rire là où il tape sur le dos de ceux qui sont le moins ou toujours le plus mal représentés, de ceux qui s’en prennent toujours plein la gueule, par exemple. Peut-être faut-il aussi se poser les bonnes questions. Ou celles qui dérangent, au lieu d’enfoncer des portes ouvertes en annonçant que LA femme trouve son bonheur dans la maternité. Faut-il rire d’un mariage triste et ennuyeux à mourir ? Faut-il rire des injonctions faites aux femmes quant au désir d’enfant à l’instinct maternel qui serait inné à l’image jamais assez bonne qu’on leur renvoie en permanence ? Toujours la même, la même vieille image ? Faut-il rire des blagues homophobes / putophobes ? Ne faudrait-il pas plutôt mettre un bon coup de pied dans tous ces poncifs qui ne font plus glousser les foules que par habitude ? (Ou parce qu’elles veulent rentabiliser leurs 98€ alors autant bien rigoler !). Peut-être que si un vieux couple n’est pas heureux ensemble depuis des années il pourrait se séparer ? Peut-être que comme ça le monsieur en survêt s’occuperait des enfants en garde partagée au lieu de traîner tous les soirs le chien fantôme ? Ou alors il fallait réfléchir avant de les faire les enfants, si c’est tant que ça un poids, au lieu de balancer vos injonctions procréatrices sur toute personne ressemblant à une femme !? Beaucoup de belles choses se trouvent dans l’avenir mais encore faudrait-il laisser sa place quand on ne sait plus écrire que ça. Pensez-y…