Une fois passées les portes de l’Opéra Comique de Paris, on remarque qu’une étrange créature végétale semble avoir pris possession des lieux et de ses occupants. Une sorte d’amuse-gueule, de mise en appétit avant que le spectacle ne commence. Après l’ouverture jouée par l’orchestre et l’introduction, on découvre l’impressionnant et unique décor. Un décor unique… Et alors ? Un livre sans illustrations est-il moins bon que celui qui en est rempli ? Indéniablement, non ! Et puis, s’il n’y a qu’un seul décor, il est savamment utilisé. La mise en scène autour de ce décor de boutique lui ajoute bien des aspects visuels de toute beauté.

Quand l’opéra et la comédie musicale se rencontrent autour du génie de Valérie LESORT et de Christian HECQ, c’est le choc. Voici une de leur nouvelle aberration qu’on adore venir applaudir et qui ne manque pas de mordant. Une pure folie !

Après le surprenant Voyage de Gulliver, il semble que le musical soit un genre qui réussit au duo de metteurs en scène ! Ici, ils nous proposent un spectacle qui mixe comédie musicale avec des voix soul aux accents afro et des envolées lyriques telles que celles de la remarquable et pétillante Judith FA, la ravissante potiche. On a affaire à des comédiens qui jouent cette farce horrifique avec brio. Sur scène, il se passe toujours ce petit quelque chose qui fait la différence. Le sens de la comédie est indéniable dans ce spectacle qui porte un regard intemporel sur le monde et sonne, ainsi, comme une satire sociale. Proche de l’opéra bouffe, l’histoire s’amuse aussi d’effets scénographiques qui éveillent curiosité et attente.

On notera deux points noirs dans cette version de The Little shop of horrors. Tout d’abord, les chorégraphies très peu élaborées. De ce fait, elle n’apportent pas grand-chose. L’autre ombre au tableau et pas des moindres, c’est l’adaptation en français qui est maintenant très datée au point de ne pas fonctionner. Quand le Roi Lion refait une adaptation du livret seulement au bout de treize ans, c’est la bonne méthode. Outre le fait que cette adaptation soit datée, elle tombe dans la facilicité de la traduction et laisse des sonorités qui ne fonctionnent pas en langue français. Proposer le show en version originale sur-titrée aurait, sans doute été plus judicieux.

Le point d’orgue du spectacle reste, quant à lui, Audrey II. Les expressions de cette plante sont impressionnantes et relèvent de la magie. Elle n’a pas d’yeux et on est, pourtant, convaincu du contraire. On sent son regard sur les humains qu’elle rencontre. Bluffant et ingénieux  ! Le marionnettiste Sami ADJALI effectue un travail précis, gère parfaitement son playback donné en direct par le comédien Daniel NJO LOBE à la voix prodigieuse et caverneuse.

La Petite Boutique des Horreurs est un OVNI hallucinatoire, hallucinogène et hallucinant en représentations uniquement pour une poignée de dates à Paris.